Entrainement pour la force

La force semble génétique, certains étant capables spontanément de mobiliser plus de fibres, comme s'ils étaient dans un état hypnotique.
Mais, pour sauver son enfant, une mère peut réaliser un effort musculaire incroyable, et des moines tibétains accomplissent des exploits physiques insensés grâce au pouvoir du mental. Nous disposons au fond de notre être de ressources insoupçonnées, auxquelles nous avons cessé de croire. Les rois de la force, eux, quelle qu'en soit la cause, sont obsédés et possédés par l'idée qu'ils ont un "don". Ils se mettent au travail avec entêtement. L'imaginaire devient réalité, le cerveau sécrète plus de neuropeptides favorables à la force, les glandes endocrines augmentent la production hormonale appropriée. La volonté "colère" décuple la décharge nerveuse vers les muscles et lutte contre la fatigue. L'amour de la force permet d'accomplir « des exploits en ce qui concerne la coordination musculaire qui seraient impossibles lorsqu'on n’est pas stimulé sexuellement «.

MONDE DE FOLIE

Dans mon dossier du Muscle d'avril 2003, "Evitez les excès", je remarquais que : "la plupart des sportifs sont "possédés' par leur sport, aliénés jusqu'à l'aveuglement total. Ils s'entraînent comme des forçats et se font plus de mal que de bien" (page 71). Mais si c'est leur "trip", pourquoi pas ? Quand Lucien De Faria se penche sur sa vie de powerlifter, c'est finalement pour faire corps avec elle, l'approuver définitivement :
Lucien De Faria : Moi, mon sport, j'ai été marié avec, c'est ma seconde femme, ça a été ma première. Mais j'ai pris du recul, j'ai gagné en sagesse. Dans ce milieu, je suis bien, j'oublie tout. Si c'était à refaire, je referai pire, ou plutôt mieux ! Si j'avais été plus raisonnable, si je m'étais moins entraîné, j'aurais pu peut-être éviter certaines blessures qui m'ont freiné. Mais ce n'est pas vraiment dans ma nature ! Et puis dans la vie, ce n'est pas la raison qui fait avancer le monde, c'est la folie. J'estime que je me suis bâti un bon palmarès pour un gars qui était toujours "sur la corde raide" ! Mes performances en compétition, pour un poids de corps de 60 kg : 210 kg au squat, 132 kg au développé couché et 287,5 kg au soulevé de terre. Dans la catégorie des moins de 56 kg, j'ai réalisé 175 kg au squat, 120 kg au développé couché et 247,5 kg au soulevé de terre. A l'entraînement, mes meilleures barres ont été : 250 kg au squat, 140 kg au couché et 300 au soulevé de terre.

 
JT : Au cours d'une interview mémorable, Marc Vouillot remarquait :
"nous, en powerlifting, on prend le recul nécessaire, on est capable de rire de ce qu'on est en train de faire. Mais ce n'est pas facile de s'apercevoir que tout ça, en fait, c'est dérisoire. C'est-à-dire qu'il faut prendre ça au sérieux en s'amusant. On fait ça pour rigoler" (Muscle Mag, avril 1993, page 69).
Il ne s'agit pas de se détruire, comme le dit encore Marc : "pour moi, ce n’est pas le but. Moi, ce que je veux, c'est que les gars soient rayonnants, que les gars soient contents de faire ça, s'éclatent à pratiquer cette discipline, comme on peut s'éclater à pratiquer autre chose.
Bon, la force, c'est quelque chose de très dur, et justement je veux qu'ils le fassent en épanouissement complet. Je veux qu'ils soient heureux de faire de la force, je ne veux pas qu'ils se lèvent le matin en disant : "j'ai du mal à me déplier". C'est vrai qu'on aboutit tous plus ou moins à ça, avec les années, avec l'usure, on ne va pas en s'améliorant, moi je m'en rends compte, on a beau avoir tout fait pour minimiser les choses, on vieillit et on ne peut pas tout maîtriser ; en plus, s'entêter à se mettre sur le dos des barres comme ça, ce n’est pas fait pour arranger les choses. Mais, justement, il faut travailler pour que le corps puisse résister à toutes ces pressions qu'on essaie de lui faire subir, année après année. Car c'est ça le jeu, on essaie toujours de mettre de plus en plus lourd. Bon, ça, il faut arriver à le maîtriser complètement. Et ça passe par l'entraînement, par quelque chose de bien construit, de bien pense, et surtout il faut éviter le surentraînement" (Ibidem, page 58).
Lucien De Faria : Des disciplines comme la musculation et le powerlifting sont vraiment des écoles de vie, et sont capables d'apporter beaucoup de joies et de satisfactions. Je pense que les trois mouvements de power constituent la base d'une musculation saine, durable et utile. Je crois que ce sport constitue un bon challenge, très motivant. D'abord, je dois dire que j'ai toujours été attiré par les démonstrations de force. J'ai toujours été impressionné par les hommes forts, et puis en chaque homme existe le besoin de se mesurer à soi-même. Je suis aussi un fan de compétitions, pour toutes sortes de raisons (voyages, contacts, dépaysement, tension sportive). Tu sais, le power est vraiment une discipline amateure, notre milieu n'est pas touché par l'argent, alors les valeurs fondamentales sont encore mises en avant. Moi, en compétition, je suis heureux comme un gosse qui retrouve ses jouets d'enfant.
Mon entraînement personnel est très classique, basé sur un travail spécifique au powerlifting, avec trois entraînements par semaine. Je signale qu'avant, je m'entraînais beaucoup plus souvent : cinq à six jours par semaine, ce qui était beaucoup trop pour un athlète de force, mais j'ai toujours eu d'énormes facultés de récupération. Voilà un exemple de programme que je suis : trois entraînements spécifiques par semaine, plus une séance où je peux m'amuser à faire des bras, ou d'autres mouvements qui me font plaisir.
Lundi : Squat et développé couché lourds, plus exercices d'assistance. Echauffement, puis 3 séries lourdes (au squat et au développé couché). Ensuite 3 séries de chaque exercice d'assistance (10, 8, 6 reps) : développé couché serré, écartés banc horizontal, triceps poulie, ischios couché, kg extensions, presse à cuisses.
 Mercredi : Soulevé de terre, en alternant toutes les semaines une séance lourde avec une séance moins loin-de, plus exercices d'assistance : chaise romaine, rowing barre, rameur poulie (3 séries de chaque : 10, 8, 6 reps).
Vendredi : Squat et développé couché léger (10 à 15 reps), plus exercices d'assistance en séries de 15 reps.

Pour un débutant qui voudrait pratiquer ce sport, je conseille d'abord une musculation généralisée, pour le renforcement musculaire de tout le corps, suivant l'âge, la morphologie, les prédispositions, avec beaucoup de progressivité, ensuite seulement une spécificité sur la discipline avec charges légères, plus exercices d'assistance et ensuite surcharge progressive aux 3 mouvements, avec des étirements après chaque entraînement, plus o pousse lourd, plus on a besoin d'étirements. Le débutant en power doit, avec l'aide d'u professeur compétent, définir les objectifs, les découper en sous-objectifs réalisables. En force, il ne faut pas avoir les yeux plus grands que le ventre.

S’ENTRAINER MOINS ?

La force pure, c'est un "don" qui permet de faire des performances pratiquement sans entraînement. Par exemple, à propos de génétique, Paul Sée, champion unique de powerlifting à 83 ans, m'a envoyé des coupures de presse parlant de son père Léon Sée, un "roi de la force". Devenu chef d'entreprise, il avait cessé de s'entraîner. Un défi ayant été lancé aux Français par les athlètes anglais, il s'est rendu en Angleterre pour disputer le tournoi et a gagné sans entrainement préalable. C'est ce qui s'appelle la "force pure". Il n'était pas fatigué par le surentraînement et disposait de tout son influx nerveux. Lorsqu'on fait des performances de cette façon, sans s'entrainer, on est moins volumineux. Quelqu'un qui gonfle ses muscles souvent aura des muscles plus gros. Il aura tendance à manger plus, cela ira dans ses muscles, parce qu'en faisant de la série, on gonfle les muscles travaillés et on les approvisionne en sang, ce qui les développe plus que les muscles qui sont moins travaillés.
Beaucoup de groupes musculaires sont déficients simplement parce qu'on ne les exerce pas assez. Quand on mange bien et qu'on gonfle souvent les muscles avec un sang riche et nourrissant, les muscles se développent plus vite. On a même intérêt à faire des séries longues. Dès que le groupe musculaire a récupéré, il faut recommencer une séance, pour gonfler encore plus. Quand on récupère en quelques heures, c'est idiot d'attendre trois jours ou plus pour entraîner un groupe musculaire ayant commencé à s'atrophier.
Bien sûr, quand Frédéric Daniélou fait du soulevé de terre à 330 kg, il n'a pas récupéré au bout de quelques heures, car il ne pèse pas 150 kg ! Tout est relatif. Pour la masse musculaire, c'est plus profitable de faire de la série rapprochée, fréquente et moins lourde. Mais si Frédéric Daniélou s'entraînait en séries de 12 à 15 répétitions au soulevé de terre, avec une charge lui permettant de faire des séries rapprochées, avec un poids de 140 à 160 kg, il perdrait de la force, n'ayant plus l'habitude de tirer sur des barres de plus de 300 kg. Mais il aurait acquis une nouvelle masse musculaire à retravailler ensuite en séries pyramidales. C'est pourquoi beaucoup d'athlètes alternent deux cycles d'entraînement : un pour la masse, un pour la force.
Comme le disait l'inventeur des machines Nautilus, Arthur Jones, vers 1970 : "montrer sa force est une chose, la développer en est une autre". Autrement dit, il ne faut pas s'entraîner exclusivement comme si on était en compétition, en s'échauffant de maxi en maxi. C'est efficace sur une période très courte, puisqu'on apprend à mobiliser son influx. Mais le volume musculaire restant le même, on plafonne rapidement.
Par contre, sur une longue période, la prise de masse donne plus de force, à condition de tester régulièrement des barres lourdes. Il est évident que faire une séance tous les dix jours pour se préparer à être fort au couché, ce n'est pas suffisant. Au soulevé de terre, cela se conçoit, si on tire des barres de plus de 300 kg, ce an squat aussi. Mais cela ne veut pas dire qu'il faut se limiter aux mouvements de compétition. On peut très bien faire des séances pour les cuisses sans faire du tout de squat. On peut même exercer les cuisses sans faire de presse, simplement en faisant du banc à quadriceps et en travaillant les ischios. On peut aussi travailler les fessiers et lombaires au banc à lombaires. Cela prépare à être plus fort au squat et au soulevé de terre, et même au couché ! Ces mouvements d'assistance sont essentiels pour progresser sur le long terme. Au développé couché, il faut faire du couché en prise étroite, surtout des fins de mouvement pour donner de la force dans les triceps et renforcer la partie centrale des pectoraux. Il faut faire aussi du couché en prise très large, des écartés es du pullover, en séries longues pour bien congestionner.

C'est pour ça que Frédéric Daniélou se prépare en 4 cycles d'entraînement.
Le cycle 1, qui dure un mois, consiste à s'entraîner avec la moitié de son maxi au squat et au soulevé de terre, et avec les deux tiers de son maxi au couché. Durant ce cycle, Fred se concentre plus sur les exercices d'assistance, recherchant un gain en force es masse musculaire, en travaillant avec des mouvements contrôlés, pour un renforcement et un assouplissement.
Ensuite, au cours du cycle 2, qui dure aussi un mois, Fred augmente ses pourcentages, pour finir par un véritable travail de force, en s'accordant davantage de récupération entre les séries et les séances lourdes.
 Au cycle 3, qui dure un mois. Frédéric diminue les exercices d'assistance pour compenser en récupération l'augmentation des charges.
Il termine par un cycle de force pure de trois semaines, en utilisons les bandes, les maillots, combinaisons de compétition. Les charges augmentent, le nombre de répétitions diminue.
Frédéric Danielou :
 "Le powerlifting est extrêmement traumatisant pour le corps. Il ne faut pas s'en cacher. On doit bien se connaître et savoir exactement la durée du cycle lourd pour une compétition. Moi, j'ai un minimum de base 5 reps à 240 kg au squat et au soulevé de terre, 6 reps à 140 au couché. A partir de ça, je peux démarrer une préparation pour être prêt en 8 à 12 semaines (suppression du cycle 1).

Je progresse extrêmement vite. Une fois le plafond atteint, la compétition doit être passée, sinon c'est la redescente on perfs, les mauvaises sensations et les blessures. Si je descends en-dessous de mes minima hors saison, je vais perdre contact et beaucoup de temps sera nécessaire pour revenir à niveau. S'il ne faut pas descendre trop bas, il ne faut pas non plus se maintenir trop haut hors saison, sinon le corps et le système nerveux ne récupèrent pas et l'on se blesse en pleine période off, ce qui est ridicule ! "
Contrairement au bodybuilding, la force exclut l'entraînement à l'instinct. Tout doit être gradué. Le résultat doit être concret, chiffré. En bodybuilding, il est plus abstrait, visuel, esthétique, difficile à définir, fragile (on passe vite de la forme à la méforme). L’ entraînement de bodybuilding peut être sophistiqué, extrêmement varié et complexe, afin d'empêcher le corps de s'accrocher à ses repères, à ses limites ; il faut le choquer pour le pousser à réagir.
L'entraînement de force est constitué, lui, d'une base stricte, sans cesse calculée star des repères qui doivent garantir l'avancée. Progression sur les pourcentages, sur les maxis, etc. L'entraînement de powerlifting est simple travailler les mouvements spécifiques (technique et gammes) et le renforcement ; entraînement plutôt court et peu fréquent ; le maximum de résultats dans le minimum de temps alloué. Pas de critère d'intensité, mais un critère d'efficacité pour le résultat.
L'entraînement est déterminant, mais il n'est rien s'il n'est pas accompagné d'un conditionnement mental spécifique a l’abattage des barrières psychologiques. En powertifting, c’est le jeu de l'adaptation progressive du corps, par l'accomplissement, la réussite du passage à un stade supérieur sur les poids et les répétitions, grâce au conditionnement psychologique.
En effet, du jour au lendemain on ne peut pas passer de 250 à 280 kg au squat. On le peut physiquement, mécaniquement, car le corps a un potentiel supérieur à la limite que nous nous imposons inconsciemment. Mais physiologiquement et mentalement, il y a des murs à gravir, des étapes à franchir. Comme l'alpiniste qui enfonce chaque crochet métallique dans la paroi rocheuse et s'appuie ensuite dessus pour progresser vers le sommet.
Mentalement, l'échec est inconcevable dans l'entraînement de préparation à une compétition.
Chaque séance doit apporter une avancée sur la séance précédente. Elle doit représenter un crochet supplémentaire. Le corps et le mental enregistrent l'acquis et s'appuient dessus. Ce phénomène d'adaptation n'a qu'un temps, logiquement ce temps est défini à partir d'une base de départ, comme le temps de la préparation à une compétition. Ainsi, le power.er ne doit jamais trop se Mâcher hors saison. Il faut conserver un plateau de départ, un repère de poids par mouvement sous lequel il ne faut pas descendre, pour ne pas éternellement repartir à zéro et reconduire approximativement Ies mêmes barres à chaque saison.

Prenons les choses simplement. La première chose, c'est le mouvement. Le placement doit être tel qu'il permette la levée dans le meilleur axe mécanique. La barre doit également parcourir le minimum de chemin évidemment, 250 kg déplacés sur I mètre ou sur 0,5 mètre, ce n'est pu la même chose.
 Ensuite, une fois le placement et le mouvement enregistrés, il faut travailler chaque paramètre permettant la progression. Le début du mouvement, la fin du mouvement, chaque point faible va trouver sa batterie d'exercices destinés 3 corriger et renforcer. Ainsi, une difficulté à finir un développé couché trouvera dans un travail des triceps une amélioration : par exemple, des fins de dips lestées très lourd en séries de 6 reps.




Marc Voulliot en 2016 au Challenge de Villenave
Cette article " Entrainement pour la force"  fait parti du dossier du mois publier par "Le monde du muscle" de septembre 2003
L'auteur est Jean Texier 

Remis à jour en déçembre 2018 par Fougeresforce "crédit"
 



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